Le marché de Khelcom, moteur économique et enjeu de développement local dans la commune de Wakhinane Nimzatt

Nous avons le plaisir de vous présenter un article de Madame Adja Kadidiatou Sène, intitulé « Le marché de Khelcom, moteur économique et enjeu de développement local dans la commune de Wakhinane Nimzatt ».
Cet article, issu de son mémoire de master soutenu en 2024 sur « L’impact des équipements marchands sur le développement local de la commune de Wakhinane Nimzatt : le cas du Marché Khelcom », met en lumière le rôle central de ce marché dans la dynamique économique et sociale du territoire.

À travers une analyse documentée et des données de terrain, Mme Sène sensibilise sur l’importance des infrastructures marchandes pour renforcer le développement local et améliorer les conditions de vie des populations.

Introduction

Les marchés urbains sont des piliers de l’économie informelle et jouent un rôle fondamental dans le développement des villes africaines, notamment dans le contexte de la décentralisation au Sénégal. Cette étude analyse l’impact socio-économique du marché de Khelcom, une source de revenus et d’emplois cruciale pour la commune de Wakhinane Nimzatt. Elle met en évidence les défis de gestion, d’insalubrité et de gouvernance auxquels le marché est confronté, tout en proposant des recommandations pour maximiser son potentiel de développement durable.

L’apport économique des marchés sur les communes : le cas de Wakhinane Nimzatt

Les marchés urbains jouent un rôle fondamental dans le développement économique et social des villes africaines, en particulier dans les contextes marqués par une urbanisation rapide et une forte présence de l’économie informelle. Au Sénégal, la décentralisation progressive depuis les années 1960, avec des jalons législatifs comme la loi 96-06 de 1996 et la loi n° 2013-10 de 2013, a transféré d’importantes responsabilités aux collectivités territoriales, y compris la gestion des foires et marchés.

Cependant, ces transferts de compétences s’accompagnent de défis financiers considérables, poussant les communes à rechercher des sources de revenus viables. C’est dans ce contexte que les marchés, souvent auto-construits ou gérés de manière informelle, deviennent des piliers essentiels de l’économie locale. Le cas du marché Khelcom à Wakhinane Nimzatt en est une illustration pertinente.

Wakhinane Nimzatt : un contexte de forte urbanisation et d’économie informelle

La commune de Wakhinane Nimzatt, située dans le département de Guédiawaye, est une zone en pleine mutation démographique et urbaine. Avec une population d’environ 100 935 habitants en 2024 et un taux d’accroissement annuel moyen de près de 6%, elle affiche une densité de population élevée, dépassant celle de la région de Dakar. Ce dynamisme démographique s’accompagne d’une demande croissante en emplois et en infrastructures. La population de Wakhinane Nimzatt est majoritairement jeune (environ 68% de jeunes) et féminine (52%), et beaucoup rencontrent des difficultés à trouver un emploi stable malgré leurs qualifications.

Dans ce contexte, le secteur informel domine l’économie locale. Les petits commerces informels représentent souvent l’unique moyen de subsistance pour de nombreuses familles, notamment celles issues de l’exode rural et déplacées de Dakar. Le commerce, avec près de 72% des microentreprises et 41,8% des emplois informels dans la région de Dakar, est le secteur le plus dynamique et accessible aux jeunes et aux personnes sans qualification. L’artisanat et l’élevage sont également des activités économiques importantes dans la commune.

L’apport économique des marchés sur les communes : le cas de Wakhinane Nimzatt

Créé en 1995 (ou 1994 selon certains témoignages), le marché Khelcom est le deuxième marché de la commune de Wakhinane Nimzatt et le seul doté d’infrastructures construites après la communalisation. Son origine est liée à la demande des nouveaux quartiers résidentiels en infrastructures commerciales et au besoin de la municipalité de générer de nouvelles sources de revenus.

1. Génération de revenus pour la collectivité territoriale :

    Le marché Khelcom est une source primordiale de revenus pour la municipalité à travers la collecte des taxes journalières, appelées « DJOUTI ». Les marchands paient 75 FCFA par jour pour un tablier et 150 FCFA pour une cantine. Sur la base de 497 cantines et 189 étals, les recettes journalières sont estimées à 88 775 FCFA, soit environ 31 959 000 FCFA par an. Ces recettes, bien que cruciales, sont souvent réinvesties dans les infrastructures communales selon le principe d’universalité budgétaire.

    Cependant, la collecte de ces taxes est confrontée à de nombreux obstacles :

    • Un manque de transparence dans les versements ;
    • L’exonération sélective de certains marchands (comme les délégués) ;
    • Des incohérences dans le calcul des taxes .
    • Un manque de formalisation des collecteurs.

    De plus, certaines cantines sont transformées pour l’élevage ou la menuiserie et ne paient pas de taxes journalières.

    2. Un important pourvoyeur d’emplois :

    Le marché Khelcom est une source majeure d’emplois pour la communauté locale. Il offre des opportunités de travail directes et indirectes :

    • Emplois directs: La municipalité emploie quatre agents de recouvrement des patentes. Les commerçants emploient également quatre gardiens, dont la rémunération est assurée par leurs contributions ;
    • Emplois indirects: Le marché génère des emplois dans les secteurs connexes tels que la logistique, le transport (avec les « charrettiers »), et la maintenance ;
    • Création d’emplois informels: Le secteur informel, très présent, offre des possibilités d’activité à des catégories de population à majorité jeune et sans qualification.

    De nombreux marchands (68,57%) travaillent seuls, soulignant la prédominance du travail indépendant. Des métiers comme la coupe de légumes, bien que mal rémunérés, constituent des opportunités pour les jeunes hommes.

    3. Clientèle locale et dynamique commerciale :

    Le marché Khelcom est avant tout un marché de proximité. Une enquête auprès des clients a révélé que 86% d’entre eux sont des résidents de la commune de Wakhinane Nimzatt. La proximité géographique est la raison principale de leur choix (88 %). La majorité des clients sont des femmes au foyer sans revenu propre, avec des revenus relativement bas, et 58% fréquentent le marché quotidiennement pour leurs achats réguliers.

    Cette forte dépendance locale souligne l’importance du marché pour la vie quotidienne des habitants. La diversité ethnique des marchands, dominée par les Wolofs et les Peulhs, influe également sur la structuration du marché.

    4. Installations informelles et leur contribution :

    Outre les commerces formels (cantines, tabliers), des installations informelles (vendeuses de bijoux, kiosques temporaires, services ambulants) jouent un rôle significatif. Bien que non conventionnelles mais présents dans ensembles des marchés du pays , ces activités contribuent à la création d’emplois et à la stimulation de l’activité économique en fournissant des biens et services essentiels aux résidents. La préférence des marchands pour les structures informelles (28,57 %) ou les installations extérieures (14,29 %) reflète une recherche de flexibilité ou des contraintes financières.

    Défis et opportunités pour maximiser l’apport économique

    Malgré ses apports considérables, le marché Khelcom est confronté à plusieurs défis qui limitent son plein potentiel économique. L’insalubrité et la gestion des déchets sont des préoccupations majeures pour les riverains (32,81% pour l’insalubrité, 18,75% pour l’augmentation des déchets), ainsi que l’insécurité (40,62%). La gestion des toilettes (payantes et uniques) est une source de mécontentement car sa gestion est non conventionnelle. Les problèmes d’accès et de desserte (rues non pavées, absence de lignes de bus) compliquent l’attractivité du marché pour une clientèle plus large. L’occupation anarchique de l’espace public, bien que moins intrusive que supposé, contribue à la problématique de l’insalubrité.

    Pour maximiser l’apport économique du marché Khelcom, des recommandations concrètes sont proposées :

    • Amélioration des infrastructures: pavage des voies d’accès, installation d’une ligne de bus, rénovation des installations sanitaires, modernisation des espaces de stockage et de vente, et construction de structures plus grandes.
    • Diversification économique: encourager une variété d’activités commerciales au-delà des produits alimentaires, en promouvant de nouveaux produits et services, et en soutenant l’émergence de petites entreprises.
    • Renforcement de la gouvernance: mettre en place un comité de gestion dédié, formaliser les procédures de recouvrement des recettes pour plus de transparence et d’équité, et clarifier les rôles entre les acteurs.
    • Facilitation de l’accès aux financements: diffuser les programmes de soutien et créer des partenariats avec des institutions financières pour accompagner les entrepreneurs locaux.
    • Réorganisation de l’espace: définir distinctement des zones par type de produits (produits frais, viande, textile) pour optimiser l’efficacité opérationnelle.
    • Changement de type de marches à savoir des marches en hauteur avec des bâtiments sur plusieurs niveaux

    En somme, le marché Khelcom est un moteur essentiel de l’économie locale de Wakhinane Nimzatt, stimulant la création de revenus et d’emplois, et agissant comme un point focal pour les échanges sociaux et économiques. Cependant, pour qu’il puisse pleinement réaliser son potentiel de développement durable et équilibré, une gestion municipale plus rigoureuse, une meilleure coordination entre les parties prenantes, et des investissements ciblés sont indispensables pour surmonter les défis structurels et environnementaux.


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